Remise en contexte
Avant de nous envoler pour le pays des frites, il est utile de revenir un bref instant sur le contexte actuel qui a conduit Carles Puigdemont à faire ses valises. Tout a commencé ce fameux 2 octobre, alors que la Catalogne organise un grand référendum au sujet de l'indépendance de la région. L'engouement est grand, beaucoup de Catalans y prennent part et votent pour que la région quitte l'Espagne. Les manifestations s'enchaînent jusqu'à aboutir à une déclaration d'indépendance votée par le parlement catalan le 27 octobre et la mise sous tutelle de la région par l'Espagne.
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S'en suit la destitution du président catalan et de son gouvernement ainsi que la dissolution du parlement de la région. Enfin, Madrid prévoit des élections régionales le 21 décembre qui risquent bien de se transformer en une sorte de référendum bis pour l'indépendance de la Catalogne.
- Que se passe-t-il en Catalogne? Cet article vous aide à comprendre la montée de l'indépendantisme catalan et la crise actuel...
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L'image qui suit illustre la prudence dont ont fait preuve les gouvernements catalan et espagnol jusqu'à un certain point du conflit. Ils se relançaient sans cesse la balle. Ainsi, le gouvernement catalan n'a pas déclaré l'indépendance dans l'attente de pouvoir entamer des négociations avec Madrid et de son côté, le gouvernement espagnol n'a pas appliqué l'article 155 de la Constitution, dans l'espoir que Puigdemont revienne sur sa décision. Un véritable dialogue de sourds qui a conduit à la crise que nous connaissons maintenant...
Direction Bruxelles! Mais pourquoi?
C'est dans ce contexte mouvementé que Carles Puigdemont a décidé de quitter l'Espagne pour trouver refuge à Bruxelles. Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas le climat belge qui a attiré le président déchu. Adieu le soleil, bonjour la grisaille et la pluie…
La peur de se retrouver sous les verrous
Le président avait bien entendu ses raisons. En effet, ce dernier risquait à tout moment de se faire arrêter, la justice espagnole ayant lancé des poursuites contre lui pour “rébellion” en raison de sa déclaration d’indépendance considérée comme illégale et anticonstitutionnelle par Madrid. Mais Carles Puigdemont savait à quoi s’attendre étant donné les nombreuses menaces du gouvernement espagnol avant même que toute indépendance ait été prononcée et a pris les devants.
Carles Puigdemont est poursuivi pour “rébellion, sédition, détournement de fonds publics et désobéissance à l’autorité”, tout comme quatre de ses collaborateurs. Il encourt jusqu’à trente ans de prison! Ce qu’il est important de noter est que, dans le code pénal espagnol, “rébellion” implique des actes de violence, or jusqu’à présent, toutes les manifestations indépendantistes et autres se sont toujours déroulées pacifiquement. Un premier problème… de taille!
Il est arrivé ainsi le 30 octobre à Bruxelles, sachant que la veille le Secrétaire d’Etat belge à l’Asile et la Migration avait déclaré publiquement que le président catalan pouvait demander l’asile dans le plat-pays. Bien que cette invitation n’ait “rien changé” selon l’avocat de Puigdemont, c’est tout de même en Belgique que se réfugie en ce moment le président catalan déchu.
Mais si on y regarde de plus près, il est clair que ce choix relève d’une stratégie que beaucoup considèrent comme particulièrement intelligente.
Possibilité d’asile politique et de continuer à faire campagne
La patrie de Jacques Brel, Stromae et autres constitue ainsi un des seuls pays européens à pouvoir accorder l’asile politique à Puigdemont. Il peut y demander l’asile mais cependant, les chances que cela soit accepté sont minimes. Quoi qu’il en soit, cela reste une possibilité qu’il n’aurait pas pu envisager à d’autres endroits.
Mais en s’exilant de la sorte, l’ex-président catalan se donne surtout la possibilité de continuer sa “guerre” contre Madrid, plutôt que de se retrouver derrière les barreaux. Même si un mandat d’arrêt européen a été lancé contre lui et que Puigdemont s’est rendu à la justice belge, ce dernier bénéficie d’une liberté conditionnelle qui lui est bien utile et compte avoir recours à toutes les stratégies juridiques possibles pour pouvoir rester à distance de la justice madrilène qu’il considère comme politisée (nous vous invitons à regarder son interview au journal télévisé belge ci-dessous). Une des conditions, notamment, porte sur le fait que Puigdemont ne peut pas quitter le territoire belge jusqu’à son audience.
Cette remise en liberté peut lui être bien utile! En effet, comme nous l’avons dit, des élections anticipées ont été convoquées par Madrid le 21 décembre prochain. Libre, Puigdemont peut continuer de mener campagne et de plaider pour l’indépendance de la Catalogne, ce qui aurait été bien compliqué entre les murs d’une prison.
Volonté d’un procès à Strasbourg
Présumant déjà l’issue de son procès espagnol, Puigdemont envisage de faire appel devant la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH). Ce que le président déchu souhaite surtout c’est discréditer l’Espagne et plus particulièrement, la justice espagnole bien trop politisées aux yeux de plus d’un Catalans.
Ce procès viserait à établir si les droits de Carles Puigdemont ont été respectés et notamment son droit à un procès équitable. Si ce procès avait lieu, il pourrait être très problématique pour Madrid dont les mesures prises envers la Catalogne ont déjà vivement été critiquées sur la scène internationale. Qui plus est, en cas de victoire hypothétique de Puigdemont, cela ne ferait que renforcer le sentiment indépendantiste catalan et donnerait un argument fort à la Catalogne pour justifier son retrait de l’Espagne qui se serait alors illustrée comme un pays où la démocratie a tendance à se faire oublier.
Bruxelles, capitale de l’Europe
Mais au-delà de ces stratégies judiciaires, le choix de la Belgique et de Bruxelles, plus particulièrement, représente un symbole fort envoyé par l’ex-président catalan. Ainsi, Puigdemont montre que la Catalogne n’est pas un danger pour l’Europe et ne vise pas à détruire l’Union des pays, mais souhaite au contraire l’intégrer en tant que République indépendante.
Ce message pro-européen fort peut avoir un impact à terme, car, on l’a vu, si certains ont apporté leur soutien à Madrid c’était surtout par crainte de la montée dans leurs propres pays de mouvements europhobes (comme le FN en France). Mais même si la crainte d’une atomisation de l’Europe a pesé dans la balance, on le verra plus tard, c’est surtout la peur de voir d’autres régions demander leur indépendance qui a empêché nombre de pays d’apporter leur soutien au mouvement catalan.
Quoi qu’il en soit, Carles Puigdemont peut déjà se vanter d’avoir réussi à européaniser le conflit, tous les médias européens ayant couvert l’affaire et suivi le président déchu jusque dans le plat-pays.
La Belgique, un pays avec des tendances indépendantistes
Comme nous l’avons dit, peu avant l’arrivée de Carles Puigdemont au pays des frites et de la bière, le Secrétaire d’Etat belge à l’Asile et la Migration, Théo Francken avait “invité” les indépendantistes catalans à trouver refuge en Belgique. Une déclaration polémique qui illustre bien le soutien d’une partie du gouvernement au mouvement indépendantiste catalan.
En effet, il est bon de savoir qu’en Belgique, on retrouve notamment au pouvoir un parti indépendantiste, la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA). Ce parti politique se bat pour l’indépendance de la Flandre (une des trois régions belges) et n’a pas hésité une seconde donc à soutenir la Catalogne ces derniers mois, allant même contre la position pro-Madrid adoptée par le reste du gouvernement.
Un drapeau catalan a notamment été accroché dans les couloirs du parlement fédéral belge à l’initiative de la N-VA qui voulait montrer son soutien au peuple de cette région suite au référendum que Madrid a tenté d’empêcher, parfois par la force. Pas étonnant donc que Puigdemont ait choisi de se réfugier dans un pays en partie gouverné par des sympathisants de sa cause et où il savait qu’il serait, pour certains, le bienvenu. Le président déchu a d’ailleurs remercié ses “amis flamands de la N-VA” au cours d’une de ses allocutions.
De vives réactions dans toute la Belgique
Même si certains ont vu d’un bon oeil l’arrivée du président déchu de la Catalogne, ce ne fut pas le cas de la plupart des politiciens belges. Le premier ministre, Charles Michel, a notamment dû venir s’expliquer devant le parlement sur l’arrivée des indépendantistes catalans en Belgique. Mais comment s’explique une telle crainte du monde politique belge face à la venue de Puigdemont?
L’indépendance, un sujet tabou pour le Plat Pays
Comme expliqué ci-dessus, le plat-pays possède lui aussi son mouvement indépendantiste. Mais sa présence au gouvernement en ce moment a permis de quelque peu atténuer les revendications de la N-VA concernant l’indépendance de la Flandre. Cependant, le parti ne rate pas une occasion pour souligner cette volonté certes plus discrète ces derniers temps mais toujours bien présente.
Ainsi, le conflit catalan représentait une véritable aubaine pour la N-VA et ne parlons même pas de la venue de Puigdemont en Belgique. Les membres du parti, même ceux présents au gouvernement, ont multiplié les sorties médiatiques à ce sujet, apportant un soutien clair au mouvement indépendantiste porté par le président déchu. De quoi énerver les autres membres de la majorité qui voient, dans cette désobéissance par rapport à la position officielle du gouvernement qui soutient Madrid, une volonté de la part des indépendantistes flamands de remettre la question de l’indépendance à l’ordre du jour.
Les craintes au vu d’un conflit avec Madrid
Même si la position officielle du gouvernement a encore été confirmée il y a quelques jours par le premier ministre Charles Michel, beaucoup craignent que les relations entre l’Etat Belge et Espagnol s’enveniment. Alors que le premier ministre a réaffirmé son soutien à Madrid qu’a salué Mariano Rajoy dans un tweet, cette entente de façade cache bel et bien un conflit naissant qui risque de grandir au vu des prises de position multiples et incontrôlées des membres du gouvernement belge sur le conflit catalan.
Totalement d’accord avec le PM @CharlesMichel, qui est mon seul interlocuteur en Belgique: respect pour l’État de droit et donc pour l’indépendance des juges belges et espagnols. MR
— Mariano Rajoy Brey (@marianorajoy) 8 novembre 2017
Ainsi, alors que Jan Jambon, vice-premier ministre belge, déclare sur un plateau tv son incompréhension face au traitement que l’Espagne réserve aux indépendantistes catalans, le porte-parole du PP de Mariano Rajoy s’empresse de réagir à ces propos en les qualifiant d’”irresponsables”. De plus, le PP souligne les antécédents xénophones du vice-premier ministre N-VA duquel il ne compte pas recevoir de leçons en matière de démocratie. Ambiance !
Peur de se ridiculiser sur la scène européenne
Les pays européens craignent avant tout que l’indépendance de la Catalogne ne mette le feu aux poudres et engendre d’autres demandes d’indépendance aux quatres coins du continent. Il est vrai que les partis indépendantistes ont la cote dans pas mal de pays européens. On a notamment parlé de la Belgique, mais l’Italie, l’Angleterre et même la France connaissent également la montée de partis indépendantistes. Pas étonnant donc que ces pays aient pris position en faveur de l’Espagne au dépend de la Catalogne…
Et maintenant ?
Que va-t-il advenir du président catalan destitué? Carles Puigdemont s’est livré à la police belge il y a quelques jours avec quelques-uns de ses compatriotes. Ils ont tous été remis en liberté sous conditions. Ainsi, ils ne peuvent quitter le territoire belge sans autorisation du juge d’instruction, doivent se présenter à toutes leurs auditions en personne et doivent séjourner à un domicile fixe.
L’extradition peu probable avant un certain temps
Le prochain rendez-vous des cinq Catalans avec la justice belge aura lieu le vendredi 17 novembre devant la Chambre du conseil de Bruxelles qui devra statuer sur la validité du mandat d’arrêt émis par Madrid au regard du droit belge. Dès lors, se posera la fameuse question de la possible extradition de Puigdemont.
Il y a peu de chance, au regard des lois belges, que Carles Puigdemont soit extradé: 1. Tout d’abord, il faudrait une double incrimination. Cela voudrait dire que la Belgique reconnaisse également que Puigdemont a commis l’infraction stipulée par le mandat d’arrêt européen. Or, comme on l’a dit, la rébellion pour laquelle est poursuivi le président catalan ne risque pas d’être reconnue par la Belgique qui a déjà souligné le côté pacifique des actions indépendantistes. 2. Ensuite, dans la loi belge concernant les mandats d’arrêt européen, il n’existe que 32 infractions pouvant induire la délivrance d’un tel mandat et la “rébellion” ne fait pas partie de la liste. 3. Enfin, le juge belge a le droit et l’obligation de ne pas extrader une personne s’il présume que cela pourrait porter atteinte à ses droits fondamentaux tels que le droit à un procès équitable.
Même si, au final, l’extradition est une possibilité, l’ex-président catalan risque de ne pas frôler le sol espagnol avant un petit bout de temps. En effet, au cas où la justice belge répond aux demandes de Madrid (ce qui reste peu probable comme expliqué ci-dessus), Carles Puigdemont pourra faire appel de cette décision à deux reprises. De quoi faire gagner du temps à l’indépendantiste catalan qui ne risque dès lors pas de se retrouver en prison avant les élections anticipées du 21 décembre auxquelles il compte bel et bien participer.
Autant dire que la Catalogne n’a pas dit son dernier mot et que Madrid risque de devoir attendre un certain temps avant de pouvoir emprisonner le dirigeant indépendantiste. Peut-être le temps nécessaire à l’Espagne pour reprendre ses esprits et se remettre sur le droit chemin de la démocratie.
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